Le silence a régné dans la cour du château en 2020 en raison des contraintes sanitaires.
Espérons que la fête de Mézerville aura lieu en 2021 et que l’Association NAMUKA pourra
nous proposer un spectacle !
L’exposition est ouverte au Château de Mézerville du 27 mai au 30 août 2006
Entrée libre :Sur rendez-vous au 04 68 60 32 00 ou sur le site chateau-de-mezerville.org
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Annabel ne parle pas avec des mots. Elle a inventé un autre langage, celui d’une création artistique toute de force et de vitalité qui contraste avec son handicap.
Elle met tous les matériaux possibles à son service avec une maîtrise étonnante : de la laine, de la terre, du papier, des couleurs, des crayons , des pinceaux, des ciseaux et de la colle, tout ce qui lui tombe sous la main est utilisé avec avidité pour une activité sans relâche.
Annabel « fabrique », construit , accumule, agglutine, mais peut aussi détruire les objets qui sont sortis de ses mains.
Elle anime un monde de représentations qui se déclinent et se conjuguent au gré de ce qu’elle ressent.
Son imaginaire guide les associations sans souci de logique ou de réalisme.
Des personnages composites résultent de leur collusion avec l’objet qui les caractérise à ses yeux.
Le monde d’Annabel est habité par le regard : il contamine les objets. La voiture, la télévision regardent le spectateur. Alors le spectateur devient voiture ou télévision.
Et quand Annabel sculpte en tricotant, elle prend soin de laisser aux yeux leur ouverture au même titre que la bouche.
C’est par l’intermédiaire de ce monde si personnel de représentations qu’Annabel éveille en nous de multiples échos.
L’autre langage d’Annabel parle avec des images semblables à celles qui nous surprennent quand nous rêvons.
En 2001, des sculptures de laine d’Annabel ont été exposées avec des modelages d’autres participants de «l’atelier terre» de Jacqueline Savy.
A cette occasion, une œuvre d’Annabel est entrée dans la collection ABCD.
En 1997, j’ai accueilli Annabel à l’atelier d’expression plastique Terre. Très vite, avec beaucoup de sensibilité, elle découvre les richesses et les possibilités qu’offre cette matière. Face à un pain de terre, Annabel sculpte et modèle à la fois. De ce bloc, elle enlève la matière pour concrétiser un objet. De cette matière retirée, elle constitue un autre objet, souvent complémentaire.
Annabel travaille également le phénomène de l’apparition et de la disparition en mettant en forme un objet, puis en l’immergeant.
Dans son processus de création, elle peut être là, sensible à ce qui se vit autour d’elle.
Pendant cette rencontre de quelques années partagées, ma place a été d’accueillir, d’accompagner et de favoriser avec conscience sa démarche de création.
Très tôt, le plus souvent avant trois ans, les parents sont alarmés : quelque chose « ne va pas » : ils ne trouvent pas le contact avec leur enfant. Parfois c’est un bébé trop tranquille qui reste indifférent à tout ce qui le sollicite.
Parfois, au contraire, il réagit trop violemment à ce qu’il perçoit : les bruits en particulier, mais aussi le contact physique, peuvent déclencher des pleurs et des mouvements désordonnés, comme s’il s’agissait d’une agression.
Insensible à la parole et aux marques d’affection, cet enfant au regard errant semble envahi par une « douleur d’être » inconsolable par autrui.
Ce trouble essentiel de la communication fait obstacle aux premiers apprentissages et tout d’abord à l’acquisition du langage parlé.
Il se traduit donc par un handicap social, mais ne s’y résume pas. Car l’enfant peut trouver dans certaines activités répétitives un mode d’apaisement et même développer des capacités au-delà de la norme, réalisant parfois de véritables exploits.
La découverte d’anomalies génétiques a ouvert un grand champ de recherches dans ce domaine où la diversité déroutante des symptômes se heurtait à des tentatives d’explication inopérantes.
Texte de Béatrice Steiner, psychiatre, et de Jacqueline Savy, art-thérapeute,
qui a reçu Annabel encore adolescente dans son atelier il y a quelques années.